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21 juillet 2022

SAPZURRO, à la frontière du bonheur

SAPZURRO

Un bout de terre qui se mérite, seul celui qui est prêt à faire 24h de voyage s’aventurera à Sapzurro.
Après quelques bus et taxis, nous voici teleportés à Neclocli où nous allons passer la nuit. Ce village portuaire grouille d’hommes, les épaules lourdes, le baluchon plastifié sous le bras. Ils tournent en rond, dans l’attente de quelquechose. Des dizaines de stands regorgent de tentes militaires et de bottes en caoutchouc. Un mystère plane, une idée s’implante.
  Nous choisissons la forme la plus économique pour nous loger; le sommeil n’est il pas le même dans le luxe ou dans la simplicité? Nous optons donc pour une colocation dans un hôtel avec Judith, congolaise et sa petite puce de deux ans et demis, bonnet vissé sur la tête malgré la chaleur , paroles fuyantes malgré sa réelle sympathie, discrétion malgré sa vie qu'elle trimbale dans un sac d'un pays à l'autre. Couchés depuis un moment, à 22h, des bruits de porte nous réveillent. Un bal nocturne débute. Une valse à l'aveugle de migrants fraîchement débarqués. Une rumba saccadée de sommeils. Notre colocation s’avère être un refuge pour qui veut se doucher, qui veut s'assoupir avant de reprendre la route. Un passage salvateur. Clac, ça se referme, ça pétarade dehors, fusillade?  Cris. Rires. Des vies en parallèle, qui se cachent à la vue de tous. On râle, mais aussitôt on se sent si misérable de râler, nous, pauvres voyageurs bourgeois, libres. Aux premières lueurs, encore groggy par cette nuit éveillée, on suit les pas des migrants, venezueliens pour la plupart.
UN- la queue pour le bateau. DEUX. 10 kg maximum pour transporter ta vie sur le bateau. TROIS. Tous scotchés sur le speedboat à 1200 chevaux. QUATRE. Escale pluvieuse, trempeuse, doucheuse à Capurgana. Nous, pauvres voyageurs bourgeois, libres, on change de rythme : Cap vers Sapzurro. Le pas de Neclocli, est une sempiternelle répétition.

Vous connaissez le livre la plage ou le film ? On a cette impression émerveillée de découvrir un lieu, certes habité, mais vierge du tourisme de masse. Les lignes y sont donc vraies, sans artifice, 100 % locales. Ce petit village dans le creux d'une anse verdoyante s’adosse sur des collines tropicales et s'étire le long de petites plages plus ou moins vivantes. Des bâtisses sans charme, banales, inondées par la lumière de néons, mobilier de métal glacial, couleurs froides côtoient des constructions de bois poussiéreuses, des ruines non investies sur flanc de mer, quelques restos qui s'allongent jusque des terrasses qui trempent leurs pieds dans l'eau. Un mélange désordonné, désuet. Sur les plages s'invite très peu de monde sauf le dimanche, quelques tours de touristes qui viennent du Panama ou les militaires qui proposent une rupture dans le quotidien limité des ados : une séance de Zumba, lutte contre l'obésité, fléau inimaginable en Colombie sur fond de propagande. Les vendeurs de ceviche et de glace maison regardent imperturbablement cette semi agitation.


À l'abri, dissimulée, la plage Cabo Tiburón. Le temps s'interrompt, le temps d'une sieste, le temps d'une nage. Un boum boum boum boum grésillant et lointain nous intrigue, gratouille notre curiosité. On marche, le sable entre les doigts de pied et le maillot dégoulinant au rythme du boom. Boum BOum BOUM. Ça nous prend le cœur, vibration corporelle. Information cruciale pour la suite : le Colombien écoute la musique démesurément fort, immensément fort, insupportablement fort. Nous débarquons dans un bar de plage esseulé, quelques chaises en plastique se bataillent, des filles s'affairent en maquillage et coiffure. Pour nous, petit apéro improvisé suite à une commande ubuesque tant le son explose nos tympans. On peine à entendre les vagues qui s'éteignent sur le sable, mais pas l'invitation par la famille du bar à se joindre à eux. Et voilà comment un boum boum boum lointain se transforme en soirée arrosée. C'est l'anniversaire d'une des filles, 42 ans. De shot en shot, on s'enivre de l'ambiance festive, bien qu'ils aient une façon bien particulière de festoyer... Après quelques chants de circonstances, la reine de la soirée reçoit ses cadeaux un à un, pose photo 1, pose photo 2 ... Aucune joie particulière ne traverse son visage. Pudeur ? Ou stupéfaction devant ses offrandes... étranges? Tongs, t-shirt horrible, tongs, t-shirt moche.. encore un shot, puis deux. On s’balance 3 minutes sur son de bachata et bien sûr on s’recolle sur notre chaise en plastique, encore un shot. La conversation est malaisée tant les enceintes tambourinent. D'ailleurs entre eux ils ne parlent pas. Un peu avec nous. Un shot de plus, ça délie peut-être les langues. On finit par échanger quelques infos sur l'omnipotence des paramilitaires dans la région. Ils contrôlent tout, les transports maritimes, le trafic des migrants... une puissance invisible qui détient les fils de la société. Un shot de remerciement, un shot d'adieu.

Ce soir, le cœur du village est secoué de boum boum boum boum. Oui, encore. Ça tombe bien, nous sommes à nouveau d'humeur festive. Nous décidons donc de nous approcher du son. Mais l'approche se révèle douloureuse, notre cœur est désorienté et ne sait plus reconnaître son rythme, nos oreilles surchauffent et notre mental hurle d'horreur ! Une seule question : pourquoi?  Pourquoi écoutent-ils la musique si fort ? Ils sont là, une cinquantaine de colombiens, la canette à la main, transits sur leur éternelle chaise en plastique, muets ( comment pourraient-ils parler sous ses décibels ?) Stupéfaction. Faussé culturel. Inutile de se concerter, nous faisons demi-tour. Plus tard, nous apprenons que Sapzurro se nourrit du narcotrafic et lorsqu'un passage a été fructueux, le responsable de celui-ci, en bon patron, régale son entourage. Ben ouais, c'est qui l’patron?


Par-delà ses fonctionnements atypiques on aime vaquer sur ce bout de terre. Balade à pied panaméenne, désolation de voir des bijoux de plage infestées de déchets, préparation de coco loco (on n'oublie pas notre devise !) au fond d'une cour recouverte par le temps  entre tas d’ordures, feu qui en élimine, amas de canettes écrasées et amour de petite bonne femme. Masque tuba entre des coraux champignons géants, aquarium grandeur nature. 
Ici, on rit, on râle, on kiffe, et merde encore un moustique !

 




J -22 avant notre départ ! Mais il nous reste trois semaines d’aventures encore! On ne voudrait que ça ne s’arrête jamais...! Mais on sera content de rentrer!













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